Les Matins de l'Economie, par Connecting Leaders Club, en partenariat avec le JDD

24.01.2018 : Les Matins de l'Economie 
La Réforme de la Formation Professionnelle

De gauche à droite : Nicolas Chung, Aurélie Feld, Valérie Hoffenberg, Guillaume Huot, Max Azoulay, Carole Misset et Bruna Basini.

NOS PROPOSITIONS POUR LA RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La formation professionnelle est au cœur de l’actualité et c’est le thème choisi pour notre dernière édition des Matins de l’Economie, qui s’est déroulée avec nos experts à la Caisse des Dépôts le 24 janvier 2018 :

  • Nicolas CHUNG, Directeur de la mission PIA, Caisse des Dépôts
  • Aurélie FELD, Présidente de CSP The Art of Training 
  • Guillaume HUOT, Membre du directoire, Groupe Cegos 
  • Max AZOULAY, Président du groupe ESRA
  • Carole MISSET, Directrice de Pernod Ricard University.

La 4ème révolution industrielle, caractérisée par le développement et l’usage massif du digital, de l’intelligence artificielle, de la robotisation et par l’apparition de nouveaux problèmes contemporains tels que le climat, va nous obliger à réévaluer nos compétences tout au long de notre vie professionnelle pour éviter le piège du skill gap (différence entre le niveau de compétence acquis et le niveau de compétence attendu).

Emmanuel Macron, pendant sa campagne, avait dénoncé « un système opaque, inégalitaire et inefficace », promettant la mère de toutes les réformes.

Mais cette réforme qui a pour objectif de lutter contre le chômage, d’améliorer l’employabilité des salariés et de s’implifier l’accès à la formation, aura-t-elle les moyens de ses ambitions ?

En France, une bonne partie du chômage est de nature structurelle, imputable à l’inadéquation des travailleurs aux besoins des entreprises. Il concerne donc tout particulièrement les chômeurs de longue durée et les décrocheurs.

Pour répondre à ces défis, la formation professionnelle a son rôle à jouer en étant l’interface clé sur le marché du travail. Ce secteur représente en France 32 milliards d’euros, dont 45% sont financés par les entreprises et le reste par les collectivités, Pole Emploi Unedic, les particuliers … Or, l’on constate que ce sont en priorité les salariés du secteur privé qui bénéficient de formations, avec un taux d’accès de 45% alors qu’il est seulement de 15% chez les chômeurs. C’est le principal défi à relever dans la réforme 2018 !

Vers une désintermédiation de la formation professionnelle ?

A l’heure de la désintermédiation, le système français reposant sur divers intermédiaires (organismes de formation, administrations publics, organismes paritaires collecteurs agréées, salariés) reste-t-il d’actualité ?

Selon Guillaume Huot (membre du directoire, Groupe CEGOS), ce système est obsolète et nécessite d’aller vers plus de désintermédiation. En Allemagne, le taux d’accès à la formation est de 53% et dans les pays nordiques de 60% tandis qu’il n’est que de 36% en France. Guillaume Huot préconise « une libéralisation de l’accès à la compétence », avis partagé par Aurélie Feld (Présidente de CSP The Art of Training) pour qui, bien que les organismes intermédiaires soient souvent montrés du doigt, ils ne seraient pas les seuls responsables. Un marché désintermédié serait avantageux pour le bénéficiaire principal : l’apprenant.

La formation professionnelle, est-elle réellementun outil contre le chômage ?

Guillaume Huot rappelle que les demandeurs d’emplois ne sont pas une population homogène. Il y a d’un côté les décrocheurs et de l’autre ceux qui sont en transition professionnelle. Or, ces derniers ont besoin de bénéficier de formations avec des salariés pour rester connectés au monde du travail et établir ainsi un réseau.

Nicolas Chung (Directeur de la mission PIA, Caisse des dépôts) reconnaît l’importance de mieux communiquer sur les droits auxquels les chômeurs sont éligibles, notamment avec le compte personnel de formation (CPF). C’est un des objectifs de la caisse des dépôts !

Le digital dans la formation : un outil essentiel à coupler avec du présentiel

L’usage des outils digitaux est de nos jours essentiel pour accommoder les travailleurs en formation en s’adaptant à leur rythme de travail et pour optimiser la qualité des formations.

Aujourd’hui, se former peut passer par des Mooc, du e-learning voire même parfois par de l’adaptive learning. Des outils efficaces pour mieux gérer son temps et optimiser la qualité des formations (ex : usage de la réalité virtuelle dans une formation de technicien).

Toutefois Aurélie Feld souligne l’importance de l’émotion dans le processus d’apprentissage :

« le digital n’est pas la solution à tout. Une formation et un accompagnement à la prise de parole en public passe avant tout par un contact direct » – Aurélie Feld

Pour Max Azoulay (Président du groupe ESRA), certaines formations ne peuvent pas se faire en e-learning. Par exemple, pour former aux métiers de l’audiovisuel, « la motivation se ressent dans le présentiel ».

Quel que soit l’outil choisi, l’ergonomie est fondamentale car décisive. Un outil mal conçu ou peu agréable à utiliser sera délaissé.

Guillaume Huot rappelle aussi qu’il est aujourd’hui indispensable d’identifier les préférences d’apprentissage de chacun pour pouvoir proposer le bon parcours d’apprentissage et ainsi individualiser la formation.

En conclusion, on ne peut opposer distanciel et présentiel car c’est bien dans leur complémentarité que l’on trouve l’alchimie efficiente. Le résultat de la formation tient naturellement compte de la motivation de l’apprenant, qu’il soit formé par le digital ou pas.

Se former tout au long de la vie

La mise à jour régulière des compétences reste la meilleure arme pour se protéger des aléas de la vie professionnelle. Selon Carole Misset (Directrice de Pernod Ricard University), nous n’aurons pas le même métier toute notre vie et nous ne mobiliserons donc pas les mêmes compétences. Il est essentiel de développer dès l’école la volonté personnelle et l’envie d’acquérir de nouvelles compétences, pour mieux évoluer.

Nicolas Chung pointe la digitalisation de l’industrie comme vecteur premier d’adaptation :

« l’internet des objets dans la logistique est une révolution qui change le processus de la chaîne de production » – Nicolas Chung

Aurélie Feld ajoute que les services ne sont pas en reste. En effet, travailler avec des robots pose la question de la valeur ajoutée humaine. Une transformation qui s’accompagne pour redonner à l’humain toute sa place.

En conclusion, la formation professionnelle en France doit évoluer pour s’adapter aux besoins globaux du marché. Guillaume Huot a rappelé qu’une étude indépendante avait démontré fin 2017 qu’augmenter d’un point le taux d’accès à la formation représentait 0,3 point de croissance en plus. La réforme de la formation professionnelle est cruciale pour la pérennité du système économique et pour la survie du modèle social français.

Si les grandes lignes sont connues, le secteur attend avec impatience de connaitre les décisions du gouvernement sur ce secteur clé de l’économie française.

Valérie Hoffenberg,

Présidente du Connecting Leaders Club

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© Photographies – Romain Beurrier